Les Ultras du CSKA Moscou ont longtemps eu la réputation d’avoir un comportement violent et raciste. La saison dernière, ces ultras ont attiré l’attention de l’Europe sur le CSKA par deux fois au travers de la Ligue des Champions, d’abord via des insultes racistes visant le milieu de terrain ivoirien de Manchester City Yaya Touré. Un premier épisode qui amenait l’UEFA à punir le CSKA en fermant la tribune des ultras à l’Arena Khimki.

Piara Powar, directeur exécutif du FARE (Football Against Racism in Europe), a tenté de convaincre l’UEFA de donner une sanction plus lourde au CSKA avec un match à huis clos, une sanction qui va intervenir après la 2ème infraction des ultras du CSKA lors du match contre les Tchèques de Plzen. Les ultras du CSKA ont été reconnus coupables de violence et de comportement raciste (utilisation de slogan, banderoles) et comme si cela ne suffisait pas, 15 ultras du CSKA ont été arrêtés à Prague quelques jours plus tard après avoir fait des saluts Nazis et attaqué des policiers.

La sanction pour les incidents à Plzen était un match à huis clos à Moscou, mais avant même que le CSKA ne se soumette à la sanction, les ultras du club ont été auteurs de nouveaux incidents à Rome pour le premier match de Ligue des Champions de la saison. Après le match, le CSKA fut puni pour « comportement raciste de ses supporters », « perturbation en groupe » et « utilisation/jet de fumigènes et fusées » par l’UEFA, puis de nouveau sanctionné de 3 matchs à domicile à huis clos, d’une amende de 200.000€ ainsi qu’une interdiction de vendre des billets aux supporters pour les deux prochains matchs de Ligue des Champions.

Après ces scènes horribles à Rome, un groupe de supporters du CSKA lança une campagne sur les réseaux sociaux : #CSKAFansAgainstRacism. Voici l’interview de l’homme derrière ce projet.

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Premièrement, pouvez-vous nous en dire plus sur vous ?

Nous somme un groupe de supporters du CSKA qui veut changer la perception et l’idée que l’on se fait des supporters du club, montrer « l’autre partie » des supporters, mettre en avant les côtés positifs de notre club de légende et de ses traditions.

Qu’est-ce qui vous a décidé à lancer la campagne #CSKAFansAgainstRacism ?

Les incidents à Rome c’est le moment où l’on s’est dit « trop c’est trop ». L’image du CSKA à l’international a été complètement ruinée. Nous ne sommes plus vus comme une équipe ayant remporté la coupe UEFA mais comme une équipe avec des supporters racistes qui se distinguent par le vandalisme et les insultes racistes.

Alors nous avons voulu montrer à la communauté internationale du football que ces supporters désignés comme des hooligans racistes ne sont qu’une minorité. Malheureusement, ce petit groupe de marginaux concentre toute l’attention des médias traditionnels et ils salissent notre image.

La dernière raison pour laquelle nous avons lancé cette campagne était l’espoir de persuader les officiels de l’UEFA de ne pas fermer les tribunes de notre stade encore une fois, nous pensons sincèrement que cela ne résoudra pas le problème. Particulièrement pendant les matchs de Ligue des Champions à domicile, nous voulons prouver à la famille internationale du football que le racisme est inacceptable chez les supporters du CSKA. Nous avons prévu beaucoup de tifos anti-racistes. Cela aurait été une meilleure solution dans le combat de l’UEFA contre le racisme. Tout le stade aurait été uni dans la campagne anti-raciste non pas parce que l’UEFA l’aurait voulu mais parce que les gens veulent montrer leur solidarité.

Ce qui est le plus fâcheux, c’est que cette décision va donner à ce groupe marginal de raciste la sensation qu’ils sont les ‘patrons du club’ et qu’ils peuvent décider d’agir à leur guise contre la volonté des vrais supporters. Malheureusement, personne ne nous a écoutés.

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Pouvez-vous nous parler de la campagne, vos objectifs, la façon dont vous voulez les atteindre ?

Premièrement, comme nous l’avons mentionné, nous voulons rétablir l’image de notre club, car nous croyons qu’elle est injustement perçue par la communauté du football. Nous avons des problèmes avec certains de nos supporters, mais ils ne représenteront jamais la majorité absolue des supporters du CSKA qui sont fermement opposés aux idées fascistes ou racistes.

Deuxièmement, nous réalisons que le combat contre ce diable (du racisme, nda) est un processus long et usant qui demande beaucoup d’effort. C’est pour cela que nous sommes très heureux que les nouvelles générations de supporters du CSKA nous accompagnent sur les réseaux sociaux. Ils nous soutiennent en envoyant des photos, des banderoles, des collages etc. Nous essayons de répondre à chaque lettre que nous recevons en les remerciant pour leur solidarité incroyable. Ces jeunes brillants remplaceront les supporters actuels dans les stades et nous espérons qu’ils représenteront des idéaux différents.

Nous savons que seule l’éducation peut résoudre ce problème, c’est pourquoi nous ne nous attendons pas à des changements immédiats ou des miracles. Ainsi, alors que des milliers de gens nous ont rejoints sur les réseaux sociaux, nous avons publié des photos et des messages de soutien tous les jours. Si nous arrivons à créer un modèle alternatif pour les fans, ce sera la plus grande réussite de notre campagne.

Et les supporters du CSKA, que pensent-ils de votre campagne ?

Il y a différents groupes donc les réactions sont différentes. Certains ultras n’apprécient pas vraiment, ils pensent qu’ils sont déjà dans le vrai. Mais étonnamment nous avons reçu beaucoup d’emails de certains ultras et supporters avec qui on a eu des discussions très constructives sur la situation actuelle au sein des supporters. Mais, pour la plupart nous avons reçu un soutien extraordinaire de toutes les générations de supporters du CSKA, des lettres, des tweets, des photos etc.

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Etes-vous surpris de l’ampleur qu’a prise la campagne aujourd’hui ?

Clairement oui. Notre campagne a prouvé qu’il existait une volonté de changement. Nous sommes heureux de discuter avec les supporters à propos de ce que nous voulons pour notre club. Il suffit de lire les centaines de commentaires au-dessous de notre pétition à l’UEFA pour comprendre que les gens sont inquiets pour leur club et qu’ils veulent apporter une aide sincère. De plus, nous tenons à remercier tous les grands sites sportifs russes qui ont écrit des articles sur notre campagne.

Avez-vous été en contact avec les dirigeants du CSKA Moscou ? Que pensent-ils de la campagne et de votre implication pour essayer d’aider le club ?

Oui, la direction du club soutient notre campagne à 100%. Ils nous retweetent et repostent continuellement nos messages et photos sur les réseaux sociaux. C’est aussi pour ça que le nombre de fans qui nous rejoignent grandit chaque jour.

Le CSKA jouera ses 3 prochains matchs de Ligue des Champions à huis clos à cause des incidents à Rome. Que pensez-vous de cette sanction ?

Comme nous l’avons déjà dit, un stade vide, c’est seulement une manière de « masquer » le problème. « Pas de supporters – pas de racisme ». Cette logique, est absolument identique à la logique des supporters racistes qui disent « pas de noirs – pas de racisme ». Un stade vide déshumanise le football. C’est comme la peine de mort vis-à-vis de la Justice. Il a été scientifiquement prouvé que cela n’affecte pas le taux de criminalité et cela n’a aucun effet dissuasif sur un criminel potentiel. Par exemple l’Union Européenne qui garde une position très forte contre la peine de mort. Sincèrement, nous ne comprenons pas pourquoi les officiels utilisent de telles mesures qui tuent l’âme du sport que l’on aime.

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La saison dernière le CSKA avait été puni après un match à domicile contre Manchester City et un match à l’extérieur à Plzen. Est-ce que quelque chose a changé après ces sanctions ?

Oui. pendant les match à domicile, il n’y a pas eu de mauvais comportement. Les mesures de sécurité ont été renforcées et les supporters exerçaient une sorte de pression sur les ultras, alors tout allait bien. Mais les incidents à Plzen et à Rome étaient hors du contrôle du CSKA. L’UEFA a dénoncé des insuffisances au niveau des dispositifs de sécurité dans l’organisation du match à Rome. Cela signifie que le club à domicile est responsable de la sécurité et dans ces cas là ils ont failli en n’apportant pas la sécurité nécessaire. En plus de ça, un supporter du CSKA a été grièvement blessé dans une attaque au couteau juste avant le match mais personne ne s’est intéressé à ça. Sincèrement nous ne comprenons pas pourquoi les fans innocents à Moscou sont punis si sévèrement pour le travail désastreux des forces de sécurité italiennes. Comment nos fans ont pu amener des fusées et des fumigènes au stade ? Pourquoi n’ont-ils pas contrôlé les bannières ? Nous ne défendons pas le comportement honteux de nos ultras, mais nous ne comprenons vraiment pas la logique derrière cette sanction.

Pensez-vous que les clubs et les autorités Russes font suffisamment de choses pour combattre le racisme? Si non, qu’est-ce qui doit être changé ?

Nous pouvons parler seulement pour le CSKA, car nous ne connaissons pas la politique des autres clubs sur le sujet. le CSKA a posté une vidéo où chaque joueur condamne tout acte de racisme. Mais on doit aussi dire que le président Evgeny Giner ne peux pas remplacer les parents de chaque supporter.

Les autorités russes ne semblent pas prêtes ou disposées à lutter contre ce problème. Seules des sanctions spécifiques peuvent fondamentalement changer la situation. La responsabilité personnelle de chaque supporter est la clé de la solution, mais personne ne s’en soucie pour le moment.

Est-ce que les fans des autres clubs russes soutiennent votre initiative ?

Non, nous n’avons reçu aucun soutien jusqu’à présent.

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Est ce que la nouvelle législation vis-à-vis des supporters, entrée en vigueur en janvier dernier, a changé quelque chose ?

Malheureusement non. Je peux citer le chef du département sécurité de la Russian Premier League Alexander Meytin qui a récemment déclaré à l’un des quotidiens sportifs les plus importants (Sport-Express) : « Il n’y a pour le moment aucune procédure efficace qu’ils peuvent mettre en oeuvre pour améliorer la situation » ; la nouvelle législation des supporters n’est donc effective que sur le papier. D’après Meytin, si un hooligan banni veut trouver un moyen d’aller au stade aujourd’hui, il n’aura aucun problème pour y arriver. Donc si même le directeur de la sécurité fait ce constat, nous n’avons pas besoin de faire de commentaires.

Pourquoi pensez-vous que le racisme est un si gros problème dans le football russe ?

Franchement, c’est un paradoxe et ça n’a aucun sens pour nous non plus. Comment le pays, qui a eu un rôle décisif dans le sauvetage du monde contre le Fascisme, se retrouve-t-il face à un tel problème ? C’est impossible à expliquer pour nous. Comment les petits enfants des combattants de la Seconde Guerre Mondiale peuvent-ils scander des insultes racistes ? Nous n’avons aucune explication.

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Pensez-vous que les médias occidentaux sont trop partiaux quand ils couvrent le football en Russie ?

C’est l’un des points où nous sommes le plus déçus. Quelques jours après le lancement de notre campagne, nous avons écrit à tous les représentants des médias de masse occidentaux, mais personne ne nous a répondu.
Il semble que seules les mauvaises nouvelles de Russie sont attrayantes. Quand un petit groupe de supporters du CSKA est impliqué dans ce genre d’incidents honteux ils le signalent immédiatement, mais quand des milliers de supporters rejoignent le mouvement anti-raciste cela n’intéresse personne.
Pouvez-vous imaginer ce qui se serait passé si nous avions créé un « groupe des Supporters du CSKA qui soutiennent le racisme » ? Nous serions devenus célèbres dans le monde entier. Il semble que tant que les mauvaises nouvelles viennent de Russie alors tout va bien pour les journalistes occidentaux. Les bonnes nouvelles ne font pas assez vendre.

La seule ONG qui nous a répondu immédiatement était le FARE (Football Against Racism in Europe) à qui nous exprimons d’ailleurs notre plus profonde gratitude pour leur soutien sincère à notre campagne.

Mais malgré le silence total des médias occidentaux, nous continuerons à nous battre pour l’avenir de nos enfants ! C’est pourquoi nous vous remercions pour cette interview ! Avec votre aide, nous pourrons montrer au reste du monde que tout n’est pas mauvais en Russie comme il est coutume de le dire dans certains pays.

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La pétition peut être signée ici

SovietXav

Interview réalisée par Toke Theilade sur RussianFootballNews.com

2 Comments

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