Le mercredi 30 octobre 2013 sonnait le glas de l’Arsenal Kiev, le second club de la capitale derrière le Dynamo. Après 10 points en 13 journées de la Premier League ukrainienne 2013-2014, les dirigeants déclaraient le club en situation de faillite et se retiraient ainsi du championnat. Un an et demi après, le club se reconstruit en City Kiev League, une division régionale, afin de préparer son retour en troisième division. Tout cela sous l’impulsion d’Oleksiy Kirireshko, un millionnaire ukrainien qui a fait fortune dans … les courses de rallye. Une histoire atypique comme celle de l’Arsenal.

Bienvenue dans l’anonymat du football ukrainien

Tout club constitué normalement a son siège social dans une structure où l’on retrouve des terrains d’entraînements, des vestiaires ou une salle de musculation. Pour l’Arsenal Kiev, la faillite financière s’est accompagnée d’un certain oubli. Pour trouver le bâtiment qui abrite les locaux du club, il faut se balader du côté de la rue Rustaveli, à 20 minutes de Maidan pour atteindre l’adresse du siège de l’Arsenal, indiquée sur Google Map. Un immeuble haut de 15 étages, situé entre une brasserie et une banque, qui démontre bien que le club n’intéresse plus grand monde.

L'entrée des locaux de l'Arsenal Kiev.
L’entrée des locaux de l’Arsenal Kiev.

À l’intérieur, on retrouve un garde de sécurité, digne du quartier de la Défense, qui nous fait attendre 5 bonnes minutes avant de rencontrer Aleksandar, le responsable presse du club et accessoirement ultra de l’Arsenal Kiev. Il nous fait le tour en à peine quelques secondes des bureaux de son club : un pour la direction, un pour la comptabilité et un dernier pour les supporters et les médias. On s’installe dans une obscure salle de réunion, où l’on s’attend à tout moment à voir débarquer un cadre de la Société Générale pour nous annoncer la hausse des crédits aux logements sur le premier trimestre 2015.

Propriétaire extravagant et généreux

Trêve de plaisanterie, on s’assoit durant une bonne demi-heure pour discuter de l’Arsenal Kiev, son histoire, son état actuel et ses supporters. D’emblée on interroge notre hôte sur la chute de l’Arsenal, qu’il résume très vite « comme une mort clinique ». Son avis semble spontané et dithyrambique sur l’ancienne gestion du club : « Il y a un an et demi, on a été rétrogradés car les finances étaient à sec. Il y a eu une tentative de rachat quelques mois auparavant par l’oligarque Oleksandr Onyschenko mais avec tous les conflits en interne, l’opération a été sabordée. » 

On le connaissait surtout pour ses courses de Rallye mais pas en tant que fan de l’Arsenal !

Aleksandar confirme ainsi que les rouges & bleus ont navigué en eaux troubles durant 5 bons mois, lors de la reprise du championnat. Les joueurs n’étaient plus payés et le centre de formation fonctionnait à moitié. « Le solution est venue d’un consortium entre les joueurs, les supporters et le financement de Kikireshko, confirme Aleksandar. On le connaissait surtout pour ses courses de Rallye mais pas en tant que fan de l’Arsenal ! »

aleksandar
Notre sympathique hôte, à la fois ultra et responsable presse de l’Arsenal.

Le club a ainsi opté pour un mode de financement particulier, à la fois par les dons des supporters (comme le club des Bohemians en Irlande) mais également par la générosité d’un oligarque. S’il est relativement moins puissant qu’un Abramovitch ou qu’un Gaydamak, l’apport de Kikireshko a fait un bien fou au club. Selon nos informations, 2 à 3 millions de $ auraient été injectés, de quoi éponger les dettes de l’Arsenal et relancer la machine. « Kikireshko a stipulé que c’était un simple don, il n’attend aucun retour sur investissement pour le moment. »

Tout le monde voulait sauver les 400 enfants qui étaient dans les différentes classes de jeunes de l’Arsenal.

Le pilote WRC semble lucide, l’Arsenal Kiev ne sera de toute façon compétitive qu’en 2017 ou en 2018, le temps de remonter en première division et de s’appuyer sur un projet solide. Justement le projet passera forcément par le centre de formation, pilier du club selon Aleksandar. « Tout le monde voulait sauver les 400 enfants qui étaient dans les différentes classes de jeunes de l’Arsenal. Ça aurait été un déchirement de s’en séparer, surtout si certains avaient rejoint le Dynamo… »

Le rachat a été un succès et aujourd’hui les joueurs évoluent en City Kyiv League, une division régionale qui regroupe les meilleures équipes de l’Oblast de Kiev. « C’est un autre football, soupire Aleksandar. On ne compte plus que 300 à 400 supporters dans nos tribunes. Les joueurs ramassent le matériel, lavent leurs maillots et doivent travailler à côté. » Qu’elle semble loin, l’époque où l’Arsenal défiait le Shakhtar, le Dynamo ou le Metalist dans des ambiances surchauffées à guichets fermés.

L'armoire à trophées de l'Arsenal semble bien modeste face au surpuissant Dynamo.
L’armoire à trophées de l’Arsenal semble bien modeste face au surpuissant Dynamo.

Après un an dans un championnat régional où l’Arsenal s’est baladé, le club a déposé un recours administratif pour évoluer, l’an prochain, en Ukranian Second League, soit la 3ème division du pays. Kikireshko est depuis devenu président officiel et il compte bien s’impliquer davantage, malgré son emploi du temps chargé entre le rallye de Monte-Carlo et celui de Finlande. On raconte qu’il vient participer quelques fois à l’entraînement de l’effectif senior, et qu’il s’amuserait même à taper quelques coup-francs.

Et les ultras dans tout ça ?

Malgré la brutale disparition de leur club, les ultras de l’Arsenal Kiev sont apparus soudés derrière leur équipe. S’ils sont connus dans tout le pays pour leur ligne directrice anti-fasciste et anti-raciste, ils restent pour le moins isolés dans le pays face à la montée fulgurante du nationalisme exacerbé chez les autres supporters. « Environ 300 à 400 ultras étaient régulièrement à Maidan, confirme notre hôte. Ces évènements ont liés tous les ultras et pourtant notre club mourrait à petit feu à ce moment-là. »

Le nouveau quotidien des ultras de l'Arsenal, dans les gymnases de la division régionale.
Le nouveau quotidien des ultras de l’Arsenal, dans les gymnases de la division régionale.

Ces supporters atypiques continuent ainsi de défendre leurs principes contre la xénophobie et le racisme. Pourtant les ultras de l’Arsenal sont autant « patriotiques » que ceux du Dynamo ou du Metalist, même si cela se voit moins en tribune. Pour Aleksandar, il y a eu un changement de mentalité avec l’Euromaidan : « Beaucoup d’autres ultras ukrainiens nous en veulent car selon eux, cette volonté d’antiracisme nuit au patriotisme du pays mais ça c’était avant Maidan. » Comme tout ultra qui se respecte désormais, l’ennemi n’est plus le supporter du Dynamo ou le joueur du Dnipro, mais bel et bien la Russie.

Adrien Mathieu

 

2 Comments

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