Il était l’un des hommes d’affaires les plus puissants d’Ukraine grâce à ses sociétés Gas Ukraine 2009 et VETEK. À cause de la révolution il a dû partir en Russie en raison de ses affinités avec le gouvernement Ianoukovitch. Tout porte à croire que Serhiy Kurchenko est un oligarque comme les autres … À deux particularités près. Il a seulement 29 ans et il est surtout le propriétaire du Metalist Kharkiv, club qu’il préside toujours officiellement mais où officieusement, il est considéré comme persona non grata. Portrait d’un entrepreneur sulfureux aux nombreuses réussites financières mais qui est aujourd’hui l’ennemi numéro un du Metalist.

En langage des signes, ça signifie "Grâce au gaz, j'emmerde le monde"
En langage des signes, ça signifie « Grâce au gaz, j’emmerde le monde »

Un sens des affaires inégalables pour le « magicien du gaz »

Né le 21 septembre 1985 à Kharkiv , Kurchenko est un enfant qui assiste à l’entrée de l’Ukraine dans la modernité après la chute du bloc soviétique. Enfant sans histoire, il réussit de brillantes études à l’institut polytechnique de sa ville natale. Il se spécialise notamment dans le droit. Malgré ses grandes capacités intellectuelles, il doit travailler pour subvenir à ses besoins et payer ses études. Il travaille à Naftogaz dès l’âge de 16 ans comme simple ouvrier mais son sens du management lui permet très vite de devenir directeur commercial, à une époque où les cadres sont encore très peu formés et diplômés. Il décide alors de partir pour fonder sa propre société de vente de produits pétroliers et gaziers, Gas Ukraine 2009.

Son ascension est alors fulgurante, sa stratégie s’apparente également à de l’impérialisme économique : il acquiert plus de 55 sociétés, souvent des PME ukrainiennes qui s’occupent de l’exploitation et du transport des énergies dans le pays. En 2011 dans un entretien à Forbes, il résumait sa vision de l’entrepreneuriat par cette phrase : « De bonnes conditions de marché permettent à un entrepreneur d’accumuler un capital suffisant durant 3 ans pour entrer sur la concurrence du gaz liquéfié. »

La succession périlleuse de Yaroslavsky

Et le football dans tout ça ? Oleksandr Yaroslavsky, un autre oligarque, décide de vendre son Metalist qu’il avait repris dans les bas-fonds de la Premier League ukrainienne en 2006. Après six années de succès, avec notamment plusieurs troisièmes places et un quart de finale de l’Europa League, et un investissement considérable de 300 millions de dollars pour améliorer les infrastructures sportives de la ville, dont le Metalist Stadium pour l’Euro 2012.

Oleksandr Yaroslavsky, un vrai supporter cohabite avec l'homme d'affaire.
Oleksandr Yaroslavsky, un vrai supporter cohabite avec l’homme d’affaire.

Cet ami d’Abramovich décide alors de se tourner vers la politique et cède donc son club en décembre 2012 à Kurchenko qui désire étendre son empire au domaine sportif. Deux mois à peine après ce rachat estimé à 60 millions de dollars, l’oligarque fonde un nouveau groupe VETEK qui cette fois se penche sur les médias. Plus de 50 chaînes de TV, journaux et radios sont ainsi rachetés par Kurchenko le natif de Kharkiv Cependant, l’histoire d’amour va tourner très court. Après seulement 11 mois à la tête du club, Kurkchenko doit déjà s’en aller, rattrapé par son soutien à Ianoukovitch et surtout de nombreuses accusations de corruption.

Malheureusement pour les jaunes et bleus, Kurchenko est parti avec toutes les sources de financement, ce qui a pour conséquence de provoquer une grave crise financière et sportive au Metalist. De nombreux joueurs talentueux, dont les sud-américains sont obligés de partir, comme Blanco, Cristaldo, Jaja ou Cleiton Xavier (qui utiliseront le prétexte de la guerre pour justifier leurs départs).

L'une des rares photos de Kurchenko dans son Metalist Stadium, qu'il a racheté en août 2013.
L’une des rares photos de Kurchenko dans son Metalist Stadium, qu’il a racheté en août 2013.

Kurchenko, la Berezina du Metalist

« Ce gars-là ? Un sacré salaud, il a pissé sur notre club et son histoire pour des intérêts économiques. »

Ils sont nombreux aujourd’hui, supporters et dirigeants actuels, à dénoncer l’attitude « lâche » de Kurchenko qui a coupé les vivres du club. Vlad, ultra du Metalist, est plutôt virulent quand on prononce le nom de son président « Ce gars-là ? Un sacré salaud, il a pissé sur notre club et son histoire pour des intérêts économiques. »

Aux abords du Metalist Stadium, la ferveur est bien redescendue après les années fastes sous Yaroslavsky
Aux abords du Metalist Stadium, la ferveur est bien redescendue après les années fastes sous Yaroslavsky

Chez les autres supporters, non-affiliés aux ultras, on entend le même son de cloche. Les critiques pleuvent face à ce président qui promettait « le titre de champion d’ici deux ans » lors de son arrivée. On entend même quelques moqueries, notamment chez Vasil, fan du Metalist et activiste lors des évènements de Maidan. Ce natif de Kharkiv voit Kurchenko comme « un gros aux grandes oreilles à la Dumbo, qui passait son temps à bouffer quand il allait au stade ».

Il était une marionnette pour Ianoukovitch car son rêve à long terme, c’était de renter au gouvernement.

Au-delà de ces caractéristiques physiques peu flatteuses, Vasil apporte une réflexion politique au brutal exil de kurchenko vers la Russie « Il était une marionnette pour Ianoukovitch car son rêve à long terme, c’était de renter au gouvernement. Du coup il a accepté de nombreux compromis pour ces entreprises et ça passe par de la corruption bien évidemment. » Mais Kurchenko ce n’est pas que des pots-de vins, le jeune oligarque traîne avec lui une réputation de Balkany ukrainien : blanchiment d’argent, fraude fiscale, financement du séparatisme à l’Est …

Au club, on ne se fait plus d’illusion pour celui que l’on surnomme « le fossoyeur de Kharkiv ». Anton Ivanov est le correspondant UEFA du club mais également le responsable des supporters. Pour lui le départ de Kurchenko représente à court terme une catastrophe, mais pour le bien du pays c’était indispensable. « On a été européens durant huit années consécutives. Malheureusement à cause de l’exode de nombreux joueurs et aux difficultés financières du centre de formation, le club va connaître un déclin inévitable. »

On doit vivre avec son ombre même si au quotidien personne ne parle de lui … À part pour ses relevés de banque.

Comment alors se reconstruire quand son président est actionnaire majoritaire, propriétaire du stade et créancier des dettes du club ? « On doit vivre avec son ombre même si au quotidien personne ne parle de lui … À part pour ses relevés de banque. » La problématique est donc réelle, même si le Metalist a trouvé des moyens de financement alternatifs comme les dons des supporters, les soutiens de la mairie et de l’Oblast et les amis de Yaroslavsky. « Les joueurs ont même accepté des réductions de salaires et des gels sur les augmentations. Tout le monde se serre les coudes ». Dans un monde idéal, cette solidarité devrait interpeller Kurchenko qui n’a pas l’intention de vendre le Metalist pour le moment. On le comprend, il a bien plus à s’occuper avec Interpol et le Fisc ukrainien.

Adrien Mathieu

4 Comments

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