Il y a de ces gens qui sont devenus légende sans le savoir. Pour certains, c’est un drame qui les a fait passer à la postérité. A Dnipropetrovsk comme à Moscou, on se souvient de l’après-midi du 19 août 2001 qui a vu s’éteindre l’un des meilleurs gardiens de sa génération, le grand espoir de l’Ukraine, le gamin de Dnipropetrovsk, Sergey Vladimirovich Perkhun.

Dnipro Footballski

 

19 août 2001, direction le Daguestan pour un match du championnat de Russie opposant le CSKA Moscou à l’Anzhi dans la ville de Makhachkala. Le nouveau gardien du club de l’armée fait alors des merveilles avec 7 blanchissages en 13 matchs et de grosses performances face aux rivaux du Spartak. Perkhun ne disputera que 75 minutes de ce match, et finira sa carrière une nouvelle fois sans encaisser le moindre but. À seulement 23 ans, Perkhun vit là ses derniers moments sur un terrain de football. Pire encore,  le choc avec Budun Budunov, qui le poussera à se faire remplacer, sera le dernier moment de sa vie.

Dans cette collision, les deux joueurs sont sérieusement touchés. Pourtant, lors des minutes qui suivent ce duel, c’est bien l’actuel Président de la Fédération du Daguestan qui semble le plus touché, avec un traumatisme crânien doublé d’une perte de mémoire tandis que le gamin de Dnipropetrovsk n’est diagnostiqué que d’un nez cassé. Paradoxe, quand on connait la fin de cette tragique histoire. Cette fin, elle se déroulera quelques heures plus tard, lorsque Sergey Vladimirovich Perkhun perd connaissance sur la route de l’aéroport pour Moscou, ville qui le verra s’éteindre après une bataille contre la mort à l’hôpital.

Si Perkhun a sa place dans cette semaine spéciale Dnipro, c’est qu’il est le parfait symbole de la ville. Né à Dnipropetrovsk, formé dans la très renommée école sportive numéro 75, il a surtout débuté sa carrière professionnelle dans son club, le club de sa ville. Sa carrière au Dnipro n’a pas été très longue, seulement 23 matchs. Il reste pourtant aujourd’hui encore le plus jeune gardien de but à avoir évolué en Première Ligue ukrainienne, et fut considéré comme l’un des grands espoirs du pays.

Le jeune Perkhun sous les couleurs du Dnipro
Le jeune Perkhun sous les couleurs du Dnipro

 

Un espoir qui commence donc sa carrière à seulement 16 ans et 1 mois contre le Kryvbass ! Malgré une courte présence dans le club du Dnipro, la ville et le club ne l’oublient pas. Éternel, Perkhun l’est pour les supporters et les habitants de la ville, qu’ils soient anciens ou jeunes. Et sa statue trône fièrement devant l’Institut d’Education Physique et Sportive de la ville où il a étudié, au même titre que son glorieux aîné Lev Yashin. Symbole de la place de ce drame dans la ville, un musée était également prévu en sa mémoire et nul doute qu’en cas de victoire des Ukrainiens à Varsovie, beaucoup auront une pensée pour lui.  Malgré son âge, Perkhun disposait déjà d’un petit palmarès respectable, avec notamment une médaille de bronze en Championnat d’Europe U17 ainsi qu’une Coupe de Moldavie lors de sa seule saison au Sheriff Tiraspol, qu’il quitte quelques mois avant sa mort pour le grand CSKA Moscou.

 « Je peux mourir ce soir, mais je ne laisserai pas passer de buts »

Quatorze ans se sont écoulés et les témoignages ont été nombreux. Tandis que son père a écrit un livre, certaines des personnes l’ayant côtoyées dans le football ont exprimés leurs admiration pour le joueur et l’homme. Ainsi, pour Sergey Semak, alors capitaine du CSKA: « Il n’y avait encore jamais eu de gardiens comme lui. » Même son de cloche pour Nikolay Pavlov, l’homme qui l’a fait débuter avec le Dnipro, qui n’hésita pas à dire qu’il « n’avait jamais regretté de l’avoir titularisé, même très jeune. » Des discours qui montrent une nouvelle fois le talent du jeune gardien ukrainien parti définitivement trop tôt, un homme qui laissait entrevoir à la fois des capacités physiques mais aussi mentales, comme l’explique son ancien compère de défense au CSKA, Oleg Kornakhov:

« Il ne connaissait pas le mot « peur ». Il a fait ce qu’il devait faire jusqu’au bout »

Sergey Perkhun
Sergey Perkhun

Récemment, sa femme s’est confiée dans l’émission « Journal de sa femme » présentée par Natalia Ignashevich, femme du capitaine du CSKA Moscou. Une émission ayant pour thématique les femmes de joueurs. De nombreuses anecdotes, certaines troublantes, notamment pour les Russes qui croient beaucoup au paranormal, ont été racontées. Sa femme a notamment déclaré qu’il lui avait écrit un message d’amour qui était pour elle incompréhensible juste avant le match, mais également un SMS: « Je peux mourir ce soir, mais je ne laisserai pas passer de but. »
Cette mentalité de gagnant permis à Sergey de connaitre rapidement la joie de la sélection ukrainienne. Une place de gardien de but qui lui était d’ailleurs destinée pour beaucoup de suiveurs malgré la concurrence déjà présente de l’éternel Shovkovskiy, ainsi que l’ancien Stéphanois Levitskiy. Cette sélection, Sergey l’avait dans le cœur, comme l’explique l’ancien sélectionneur de l’Ukraine, Leonid Buryak:

« Je me souviens, après le dernier match il est venu me voir pour me demander « vous me rappellerez encore pour les prochains matchs ? » Il était plein d’espoir, et je lui ai dit qu’il n’avait aucun soucis à se faire »

Pour ce qui est du joueur de l’Anzhi, Budunov, cette collision reste logiquement un drame. Aujourd’hui encore, il n’aime pas parler de cet événement, quand bien même il ne reste qu’un incident de jeu et que quasiment personne ne l’ait accusé.  Budun Budunov déclare ainsi ne pas pouvoir sortir ce match de sa mémoire, bien qu’il ne se souvienne paradoxalement plus de la collision. Un événement que personne n’oubliera, que ce soit à Dnipropetrovsk ou à Moscou.

La statue en sa mémoire devant l'institut d'EPS de Dnipropetrovsk
La statue en sa mémoire devant l’institut d’EPS de Dnipropetrovsk

Pour terminer, je vous laisse avec une vidéo de certains de ses exploits, se terminant par les images de l’accident. Les images de la fin. Cependant, nous retiendrons pour toujours l’homme, le joueur et sa carrière, quand bien elle se soit finie trop vite. Il est possible de trouver des articles complets sur le sujet, ainsi que les déclarations de son père, de sa sœur, de sa femme ainsi qu’une retranscription exhaustive des événements, mais le but de cette article n’est pas de faire de l’émotionnel ou du sensationnel. Nous profitons seulement de cette semaine spéciale pour rendre hommage à ce grand espoir qu’il était, à l’homme unanimement apprécié, et quoi de mieux que la qualification de son Dnipro pour la finale de la C3 pour lui rendre le meilleur des hommages.

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Adrien Laëthier

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