Footballski a rencontré Luka Elsner, entraîneur, à seulement 33 ans, du NK Domzale, actuellement quatrième de Prva Liga en Slovénie. Il se confie sur son passé français, sa carrière mais aussi son présent et son futur. Interview.

Luka, tu as connu un parcours atypique en commençant en France, à Cagnes et à Nice. Que retiens-tu de cette période française ?

Beaucoup de choses géniales. Nice, sa région et la France m’ont formé et fait devenir celui que je suis aujourd’hui. J’y ai vécu une enfance joyeuse, une belle aventure, et d’excellents souvenirs. Aujourd’hui, il y a encore des amitiés qui sont restées, avec des personnes géniales sur qui je peux compter.

Quelle relation gardes-tu avec Nice ?

Nice a été ma maison pendant longtemps. Je m’identifie encore à cette ville, j’en suis le fils adoptif.

Regrettes-tu de ne pas avoir percé en France ?

Non. J’ai eu une carrière amateur solide qui m’a aidé pour la suite. J’avais une vision réaliste de la chose, je n’avais pas le niveau. J’ai fait des études, tout en essayant de rester proche du foot. Cette voie m’a construite pour des opportunités futures. Je ne rêvais pas, j’avais compris que je n’avais pas le niveau pour jouer en France. Je n’ai pas voulu tenter de passer en force. Au final, les alternatives que j’ai choisies ont été réussies.

Puis tu signes au NK Domzale, en Slovénie, comment est-ce arrivé ?

Quand je suis arrivé, le club venait d’être promu en première division. J’ai eu l’occasion de faire un essai, j’ai saisi cette opportunité. A force de travail, je me suis persuadé qu’il y avait matière à faire quelque chose. J’avais des lacunes, je n’entrais pas dans les plans. Mais ils ont vu la hargne que j’avais et m’ont proposé un contrat. J’ai alors mis les bouchées doubles. Avec les mauvais résultats, le coach m’a fait jouer, une place que je n’ai plus jamais quitté.

Au final, tu gagnes deux titres en Slovénie et porte même le maillot de la sélection en amical contre la Suède. Beau parcours…

Ça a été une grosse surprise, y compris pour moi. Je ne pensais pas atteindre ce niveau. Si je n’ai joué qu’un match, j’ai été appelé une douzaine de fois dans le groupe qui se qualifiera pour la Coupe du Monde 2010. Progressivement, j’ai franchi tous les obstacles. J’ai énormément progressé passant d’un niveau amateur moyen à celui de bon professionnel. J’ai énormément travaillé pour rattraper le retard. Je savais que je n’étais pas le plus talentueux mais j’avais une intelligence du jeu qui compensait le talent que j’avais en moins. On pouvait compter sur moi et ça plaisait au coach. Je n’étais pas fantastique mais j’ai eu une carrière honnête.

« Un grand avantage de porter ce nom »

Un mot sur tes passages en Autriche et au Qatar ?

L’Autriche a été un coup dur. L’équipe était condamnée à la descente quand je suis arrivé et l’objectif était de remonter la saison d’après. Entre temps, le club a été liquidé judiciairement, c’était pénible d’autant que je me voyais bien faire une carrière en Autriche. Dans le Golfe, j’y allais pour vivre une expérience complètement différente. J’y allais aussi pour l’aspect financier et prendre un peu d’argent pour être tranquille pour la suite. Ces deux expériences ont été pleines de leçons de vie.

Quel est ton meilleur / pire souvenir de ta carrière de joueur ?

Luka Elsner
© domzalec.si

Le meilleur restera la dizaine de minutes que j’ai joué avec la sélection contre la Suède. Le soir du titre, alors que mes coéquipiers fêtaient le titre, j’ai bu une bière puis j’ai pris l’avion pour Göteborg. Cette entrée en jeu est la récompense d’une saison, mais aussi de l’investissement personnel d’une vie. Pouvoir côtoyer des joueurs de ce niveau est quelque chose de formidable. Je n’ai pas eu beaucoup de mauvais moments, ni de blessures graves. Le pire pourrait être mon deuxième match en Autriche. Je découpe un adversaire, et je me prends un rouge direct. Trois matchs de suspension derrière, pas forcément les débuts rêvés dans un nouveau club…

Tu es issu d’une lignée de grands footballeurs slovènes, comment vis-tu cet héritage ?

Ça n’a pas été trop dur de vivre avec l’étiquette de « fils de ». En France je jouais en amateur, et il n’y avait aucun choix qui était lié à ce statut. Quand je suis rentré au pays, j’avais déjà 22 ans, j’avais l’expérience nécessaire pour passer au-dessus de ça. C’est vrai qu’il y avait quelques remarques quand j’ai commencé à jouer, des questions qui se posaient, mais ça s’est très vite calmé quand je montrais mes capacités sur le terrain. J’ai plutôt vu le fait de porter ce nom comme un avantage. Mon père me parlait beaucoup de ses expériences et ça m’a grandement aidé à me construire.

Tu es très vite devenu entraîneur, pourquoi ce choix ?

C’était dans mon plan de carrière depuis longtemps. J’ai eu une maitrise en STAPS en France, ce n’était pas pour rien. En huit saisons, j’avais fait le tour. Je pensais à l’après, et une fois que c’était clair dans ma tête… Le club le savait, il y a eu une opportunité que l’on m’a proposée, je me suis repositionné. Ça a été un bon choix.

« Il y a encore deux, trois étapes avant la Ligue 1. « 

Comment as-tu vécu cette rapide transition joueur-entraîneur ?

Je m’y préparais depuis quelques mois. Quand cela s’est fait, je n’ai pas eu le temps de réfléchir. Après le dernier match de la saison, j’étais présent le lendemain pour le décrassage comme entraîneur-adjoint. Le passage de capitaine a entraîneur-adjoint c’est fait naturellement, de part mon statut au sein du groupe.

Est-ce que tu as senti quelques réticences ? Comment tes concurrents ont vu ça ?

Il y a eu beaucoup de questions, mais comme j’ai débuté comme adjoint, j’étais dans l’ombre. Beaucoup voulaient cette place. Je n’ai pas attendu que tout le monde soit d’accord, sinon j’attendrais toujours. Quand il a fallu prendre la décision de devenir entraineur, je m’en sentais capable et je n’ai pas réfléchi. Après les résultats ont fait gagner ce choix en crédibilité.

Espères-tu un retour en France pour entraîner ?

A moyen ou long terme, pourquoi pas ? J’ai 33 ans, je suis jeune, peut-être trop pour certains challenges. Le chemin est encore long. Je veux bien me former d’abord, faire le tour de la question ici, gagner des titres pour avoir le bagage nécessaire pour aller plus haut. Il y a encore deux, trois étapes avant la Ligue 1. Je ne veux pas les sauter, chaque chose en son temps.

Tu utilises la filière française pour ton recrutement, pourquoi et comment opères-tu ?

J’ai un bon contact avec le site foot-national. J’ai des connaissances, des amis… qui me conseillent. C’est une direction naturelle pour moi. Il y a de nombreux joueurs de qualités en France, qui ne jouent pas forcément en Ligue 1, Ligue 2, voire National… Pour attirer des étrangers de qualités, on doit faire des sacrifices, et pour moi, chercher dans ce réservoir a été une évidence.

Domzale a un petit budget, comment faites-vous pour vous imposer aussi durablement dans le haut de tableau slovène ?

On doit être malin, essayer de prévoir ce qu’il va se passer. La base de la pyramide repose sur un bon centre de formation. On doit toujours préparer une solution alternative. Tout peut arriver, à tout moment. On a un besoin financier permanent pour survivre, donc on jongle entre nos moyens et nos objectifs. Notre staff est formé pour les urgences. Ce n’est pas évident mais très important pour nous.

« Il va y avoir une grosse bataille pour le titre »

Quels objectifs cette saison ?

On vise le podium, mais l’essentiel surtout est de se qualifier pour l’Europa League. Par le championnat ou par la coupe, c’est ce que l’on veut par-dessus tout. En espérant faire mieux que cette saison sur la scène européenne.

Ce championnat slovène a commencé d’une bien drôle de manière. L’Olimpija renait, Maribor est dans le dur, comment vois-tu la situation ?

Cela ne me surprend pas vraiment. Maribor arrivait en fin de cycle, et l’élimination prématurée en Ligue des champions les a forcés à se renouveler. Cela devait arriver. Ils n’étaient pas préparés pour cela, mais le changement de stratégie est en train de s’opérer et il devrait rapidement revenir dans la course. Pour l’Olimpija cela ne m’étonne pas non plus. Mandaric est arrivé et a mis les moyens. Le recrutement a été conséquent et les performances suivent. Ils seront bientôt au top. Il va y avoir une grosse bataille. Cela va bientôt se stabiliser mais la lutte sera importante. Cela rend le championnat intéressant pour tout le monde. La popularité a considérablement augmenté.

Que penses-tu de la sélection slovène ?

Elle est dans les temps pour la qualification à l’Euro 2016. Les performances sont logiques par rapport à nos moyens. Espérer rivaliser avec l’Angleterre et la Suisse avec nos 2 millions d’habitants relève de l’utopie. J’y crois.

Nicolas Kohlkuber


Photo à la une : ©  Matic Klanšek Velej / Sportida

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