On ne les attendait pas à ce niveau. Le Shakhtar Donetsk, réputé pour ses brésiliens de talent, a réussi à décrocher une place en finale de l’UEFA Youth League avec une équipe composée à 100% de joueurs ukrainiens. L’académie du club, qui a ouvert ses portes en 1999, a été largement financée par l’oligarque Rinat Akhmetov qui a créé un complexe moderne attirant des jeunes de tout le pays.fc shakhtar

Cependant, tous les indicateurs n’étaient pas au vert en raison de la situation dans le Donbass. En mai dernier, le bus de l’équipe U17 a été attaqué par des hommes armés alors que les joueurs étaient à bord. Miguel Cardoso, responsable portugais de l’académie du Shakhtar, pointait également les problématiques dues à la division géographique des différentes équipes du club qui donnent l’impression de bricoler et rendent impossible tout plan à moyen ou long terme. Il faut également faire face aux jeunes dont les familles sont touchées par la guerre. Pour cela, une aide psychologique est proposée dans le cursus de formation. Les installations temporaires, avec uniquement des terrains en synthétique, pénalisent l’équipe qui s’est souvent retrouvée dans la compétition à jouer sur du gazon.

Une demi-finale heureuse

Le 10 avril, sous un soleil qui incitait plus à se rendre sur les bords du Léman situé tout près du stade de Colovray, le Shakhtar Donetsk a réussi à se débarrasser d’Anderlecht. Comme lors des deux tours précédents, où l’équipe s’était qualifiée aux tirs au but face à l’Olympiakos et au Benfica, les Ukrainiens ont su trouver les ressources nécessaires pour revenir dans le match après avoir connu des passages difficiles. A l’image de sa qualification au tour précédent, les Ukrainiens vont démontrer ce qu’est « le véritable esprit de Donetsk » selon les propos tenus par Valeriy Kryventsov, le coach, après la qualification contre le Benfica.

Contre la seule équipe encore invaincue de cette deuxième édition de Youth League, la jeunesse d’Anderlecht arrive sur le pré avec la meilleure arme offensive de la compétition, Aaron Leya Iseka (co-meilleur buteur avec 9 buts et accessoirement petit frère de Michy, l’attaquant de l’OM). Complément idéal d’Iseka, l’ailier gauche Andy Kawaya, meilleur passeur de la compétition (6 passes décisives) était à surveiller. Après un premier quart d’heure d’intense domination belge, le Shakhtar met enfin le nez à la fenêtre à la 16e minute avec une belle frappe sur le poteau de son puissant attaquant Andriy Boryachuk. Comme une alerte pour les joueurs d’Anderlecht. Les Ukrainiens sont de mieux en mieux, quadrillent bien le terrain, défendent juste, et ressortent rapidement les ballons pour se projeter vers l’avant.

La seconde période repart sur le même tempo que la première, avec une domination belge, des occasions, mais toujours pas de but. Jusqu’à la 55’, où Anderlecht trouve enfin la faille sur un corner et une tête décroisée au premier poteau de Samy Bourard. Les Ukrainiens, pourtant solides défensivement, ne semblent pas pouvoir faire plus mal que cela en attaque et continuent à subir les vagues violettes durant quelques minutes. Le coach Kryventsov sent alors que le moment est venu d’abattre ses cartes. Pour changer la physionomie d’un match, il faut être actif, ne pas subir, agir vite et agir intelligemment. Deux minutes à peine après l’ouverture du score, Kryventsov sort alors du banc Denys Arendaruk, numéro 7 et ailier de grand talent qui a déjà évolué avec l’équipe première du Shakhtar. Cinq minutes plus tard (63’), deuxième changement offensif du coach ukrainien, avec l’entrée de Viktor Kovalenko, qui lui aussi s’est déjà frotté aux joutes professionnelles avec l’équipe 1 et sera un membre prépondérant de l’équipe d’Ukraine qui jouera la Coupe du Monde 2015 des U-20 en Nouvelle-Zélande. A eux deux, ils vont retourner le match.

Organisée en 4-3-3, comme toutes les autres équipes juniors du club, l’équipe de Kryventsov va prendre le contrôle du match peut-être au moment où le public s’attendait plus au but du 2-0 qu’au 1-1. Le bloc équipe remonte d’un cran sur le terrain, les milieux pressent de plus en plus, et les ballons arrivent d’un coup plus rapidement vers le trio offensif. C’est le talent d’Arendaruk et de Kovalenko qui fera le reste. En 13 minutes, le Shakhtar va écoeurer Anderlecht par une réussite insolente. Kovalenko signe un doublé (76’ et 87’), et Arendaruk complète le tableau (80’). Les Belges sont sonnés, comptés, puis KO.

Le mérite de cette belle victoire collective est à mettre au crédit de Valeriy Kryventsov, ancien joueur clé du Shakhtar dans les années 90, et présent dans le secteur junior du club du Dombass depuis 2006 (assistant de l’équipe des U-15, il a ensuite progressé dans les différentes catégories d’âges avant de prendre les rênes des U-19, avec qui il participe à la Youth League pour la deuxième année). « En franchissant un nouveau tour, nous gagnons une expérience inestimable pour jauger nos joueurs et voir de quoi ils sont capables », déclarait-il après le match.

shakhtar

L’envie n’a pas suffit

Pour la finale, le seul changement, logique après la ½ finale, effectué par Valeriy Kryventsov, est la titularisation sur l’aile droite de Denys Arendaruk à la place d’Oleksandr Hlahola qui avait montré des limites.
C’est toujours invaincu dans cette Youth League que l’équipe du Shakhtar se présente face à l’armada de Chelsea. « On va voir si le Shakhtar pourra nous arrêter », déclarait avant le match Avi Viveash, l’entraîneur des Blues. « On verra. Je sais que pour eux ce sera difficile. S’ils y parviennent, nous ne pourront que les saluer et leur dire bravo. Nous allons devoir gérer le danger qu’ils représentent », ajoutait-il.

« J’ai été très impressionné par beaucoup de leurs joueurs. Ils pratiquent vraiment un beau football. La finale devrait être splendide. Et c’est que ce l’on attend tous. »

Renforcé par Arendaruk, le Shakhtar va pourtant subir l’impact énorme mis par les Londoniens dès le début de cette finale, concrétisé par l’ouverture du score dès la 7’ par le capitaine Isaiah Brown. Comme une habitude pour le Shakhtar. La physionomie du match a d’ailleurs quelques similitudes avec celui contre Anderlecht, tant Chelsea domine et accule les Ukrainiens sur leur but. Il faudra attendre la ½ heure de jeu pour voir le Shakhtar desserrer un peu l’étau anglais et mettre le nez à la fenêtre, et proposer quelques belles phases de jeu collective. Encore une fois, c’est Denys Arendaruk qui va ramener son équipe dans le match, après un gros travail côté droit suivi d’un centre puissant détourné dans son but par le défenseur Andreas Christensen (37’).

Dès la reprise, le « serial buteur » Dominic Solanke claque son 12e but de la compétition sur un superbe centre du frenchie Jérémie Boga (47’). Isaiah Brown inscrit ensuite un doublé d’un tir bien placé à la 55’. Les Anglais sont clairement un cran au-dessus dans cette finale, malgré la solidarité toujours affichée par le Shakhtar. En tout, Chelsea frappera 18 fois dans ce match, contre seulement 6 fois pour les Ukrainiens, dont les deux seuls tirs cadrés finiront toutefois au fond des filets anglais.

Malgré la réduction du score de Viktor Kovalenko en fin de partie (90+2), le Shakhtar s’incline cette fois-ci assez logiquement face à un grand et beau Chelsea (3-2). Plus que cette défaite, cette équipe du Shakhtar aura montré jusqu’à la dernière seconde, le coup de sifflet final étant donné sur l’engagement de ce but de Kovalenko, que l’ « esprit de Donetsk » n’était pas un vain mot.

Kovalenko, Shakhtar

Un parcours encourageant

Les satisfactions ukrainiennes sont nombreuses. Mykola Matvienko a été un rock en défense tout en étant le premier relanceur permettant un jeu de possession basé sur l’arrière. Même s’il n’a pas débuté la finale, Viktor Kovalenko est une star de l’équipe grâce à ses buts et ses passes lumineuses. Ce milieu de terrain marque souvent et peu jouer derrière les attaquants ou sur les côtés. Denys Arendaruk a également été un élément clé et semble pouvoir être un énorme atout pour le Shakhtar dans les années à venir. Dans son système à une pointe, les buteurs ont été nombreux au cours de ce tournoi : Vasyl Shtander et Kovalenko (4 buts), et beaucoup d’autres joueurs ont marqué 3 buts comme Andriy Boryachuk, attaquant très puissant, bon en pivot, bonne qualité de frappe ou Aleksander Zubkov, meneur de jeu avec une très belle qualité de passe, bien qu’un peu lent dans ses déplacements.

Le conflit dans l’est de l’Ukraine rend le Shakhtar bien moins attractif pour les potentielles recrues et le club doit trouver des solutions pour continuer à aller de l’avant et construire un avenir radieux. Le succès dans cette ligue des espoirs est un signe d’espoir donné au club mais aussi à tout le football ukrainien.

 

Un grand merci à Guillaume de BoxingDayFA, qui était sur place, pour cet article ! Vous pouvez le retrouver sur twitter et via son site internet !

Damien Goulagovitch

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