La France reçoit l’Albanie ce vendredi à Rennes. Ce sera la troisième fois que l’Albanie viendra jouer dans l’Hexagone. En 1991, l’Albanie se déplaça au Parc des Princes et prit 5-0 contre une équipe de France menée par Sauzée, Papin et Cantona. A l’issue de ce match, deux joueurs albanais demandèrent l’asile en France : Rudi Vata et Josip Gjergi.

Un pays fermé sous Enver Hoxha

On sait finalement assez peu de choses sur l’histoire de l’Albanie. Pendant quasiment cinq décennies après la fin de la seconde guerre mondiale, l’Albanie vit de manière totalement isolée par rapport au reste du monde. Le gouvernement communiste stalinien, dirigé par le mythique Enver Hoxha, s’apparente à une dictature sur de nombreux points.

Du côté du football, la sélection albanaise ne présente même pas d’équipe pour les phases de qualification aux compétitions internationales dans les années 1970. Les sportifs, comme le reste des Albanais, sont touchés par la politique d’enfermement dictée par le régime en place. Rudi Vata qui n’avait que 22 ans en 1991 se rappelait cette période dans les colonnes de The Telegraph : « Il n’y avait pas d’espoir pour moi en Albanie. Enver Hoxha était mort (en 1985) mais sa statue géante continuait de porter avec son ombre sur Tirana et les communistes tenaient toujours le pays d’une main de fer. Il n’y avait pas de liberté, pas de liberté de parler, d’agir, de penser, pas de liberté de choisir quel livre lire, quelle musique écouter, pas de liberté pour vivre comme un être humain normal. »

En tant que footballeur de haut niveau, Vata se souvient ainsi des voyages avec des agents du Ministère de l’Intérieur pour l’encadrer : « Ils choisissaient quand et combien de temps je m’entraînais, ce que je devais manger et boire, même à quelle fréquence je devais me raser (1). Un jour, je me suis levé et j’ai décidé et que c’en était assez. »

Et Vata devient donc déserteur le 30 mars 1991 après ce triste France-Albanie où il concède un coup-franc dangereux puis un penalty (cadeau pour les Français). Il demande et obtient l’asile politique avec Josip Gjergi – qui trouvera la mort en 1996 sur un terrain de division d’honneur régionale dans les Deux-Sèvres.

Vata vit à l’étranger mais garde l’Albanie au coeur

La parenthèse française ne durera qu’un an sans laisser de grands souvenirs. Malheureusement, Vata se casse tout d’abord la jambe alors qu’il s’entraîne avec Le Mans avant de passer quelques mois à Tours, qui connait à l’époque de gros problèmes sportifs et financiers. Mais Vata découvre alors l’Ecosse, une expérience magnifique pour l’Albanais.

Sous le maillot du Celtic, le libéro vit les plus belles heures de sa carrière en remportant notamment la coupe d’Ecosse en 1995. Vata rappelle : « Je voulais prouver que ma vie valait mieux que ce qu’on nous offrait à l’époque en Albanie et je l’ai fait. »

vata scotland

Vata découvre ensuite Chypre, l’Allemagne et le Japon avant de terminer sa carrière en Albanie. Dans les années 1990, Vata fait sa réapparition en équipe d’Albanie et devient même le capitaine des Kuq e Zi. Au début des années 2000, à l’occasion d’un Angleterre-Albanie, Vata déclara : « Aujourd’hui, on peut quasiment ressentir cet instinct de liberté en Albanie. J’essaye de ne pas penser au passé mais c’est impossible de ne pas avoir de regrets. Je regrette mes amis d’enfance, le soleil albanais, je regrette le fait de ne pas être un homme avec un pays où il est heureux de vivre et travailler. »

Malgré tout, Vata rentrera chez lui à Shkoder en 2011 pour prendre les rênes du grand club local : le FK Vllaznia. L’expérience ne durera que quelques mois, Vata n’ayant sans doute pas su se réadapter à un pays qui n’est plus complètement le sien à son grand désarroi.

Nouvelle génération, nouvelle Albanie ?

Ce vendredi à Rennes, la France affrontera une Albanie bien loin de celle de l’époque. Alors qu’au début des années 1990 la majorité de la sélection jouait au pays, l’équipe Kuq e Zi est aujourd’hui composée de joueurs qui évoluent aux quatre coins de l’Europe (Suisse, Grèce, Allemagne, Italie entre autres) avec toujours quelques fidèles du championnat local.

L’Albanie a très bien débuté sa campagne de qualification pour l’Euro 2016 avec une belle victoire au Portugal puis un bon nul contre le Danemark avant les tristes incidents du match en Serbie. Aujourd’hui, l’Albanie n’a jamais semblé aussi proche de se qualifier pour la première compétition internationale de son histoire avec le capitaine Cana à la barre.

Participer à l’Euro 2016 serait aussi la parfaite occasion pour promouvoir une nouvelle image de l’Albanie, qui doit encore composer avec les héritages de 50 ans d’isolement mais qui fait des efforts pour se tourner vers le reste du monde aujourd’hui et se développer. Il n’y a qu’à voir l’émergence du tourisme sur la côte adriatique pour s’en convaincre. Une destination qu’on ne peut d’ailleurs que vous conseiller. Et sinon vous pourrez toujours aller visiter Rudi Vata du côté de Shkoder et flâner au bord du magnifique lac.

 

Tristan Trasca

(1) Hoxha bannit le port de la barbe pour contrer la montée de l’Islam et également la pratique de l’orthodoxie. En 1980, les dirigeants du Celtic Glasgow ont dû négocier pour que Danny Mc Grain puisse venir jour contre le Partizan Tirana en coupe d’Europe malgré sa barbe !

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