Après Ognen Vukojevic et Eduardo, Stipe Pletikosa est le troisième joueur croate à annoncer la fin de sa carrière internationale. A 35 ans, le natif de Split fait partie des 3 joueurs croates ayant dépassé les cent sélections. Suffisant donc, pour lui rendre un hommage bien mérité.

Un parcouPletikosars sportif sinueux

Stipe Pletikosa n’aura pas donné le ton de la Coupe du Monde. Alors que les Ochoa, Navas ou autre Bravo se distinguaient par des prouesses inouïes, le gardien croate réalisait un tournoi terriblement mauvais. Le contraste est saisissant avec son brillant parcours lors des qualifications. Cela résume finalement la trajectoire tumultueuse du grand Stipe.

Formé à l’Hajduk Split, dans le club phare de sa ville, Pletikosa débute son premier match dans son club formateur en 1999, quelques mois après le formidable parcours croate en Coupe du Monde. Trois ans plus tard, il est élu meilleur joueur croate de l’année. Déjà international, l’homme part au Shakhtar Donetsk avec Darijo Srna pour se donner les moyens de ses ambitions. Alors que les aspirations de l’émergeant club ukrainien semblaient correspondre aux siennes, Pletikosa va échouer. En 2005, retour à la case départ. Son prêt à l’Hajduk se révélant bénéfique, il aura le privilège de garder les cages croates lors de la Coupe du Monde 2006.

Enfin le bon départ ? Pas vraiment. Andreï Pyatov, défini par Lucescu comme « l’avenir du club », est recruté pour être titulaire. Pletikosa, souhaitant jouer dans un club ambitieux, va alors poser ses valises dans le plus grand club russe, le Spartak Moscou. Pendant deux saisons, le gardien croate prouva enfin son potentiel dans un bon championnat. Ceci jusqu’en 2009 où le nouveau manager Valery Karpine l’écartera. Après une année de purgatoire, c’est à Tottenham que Pletikosa connaîtra une nouvelle désillusion : 1 match joué en League Cup sur toute la saison.

Mais Stipe tire les leçons de ses échecs et sa carrière va connaître un nouveau rebondissement. Non pas du côté du Dinamo Zagreb, par loyauté envers l’Hajduk, alors que le club de la capitale s’était mis d’accord avec le Shakhtar. Plutôt du côté du populaire club du Sud de la Russie, Rostov. Depuis 2011, il est titulaire et le chouchou du public. A bien des égards, il est considéré comme le grand artisan du premier trophée de son club : une coupe nationale en 2014. Puis, cette fichue Coupe du Monde est arrivée.

Une tragédie pour se construire

Le numéro 1 croate est aussi un fervent catholique et pratique un rituel avant chaque match : il se penche et récite une prière dont il estime avoir le pouvoir de le protéger de la blessure en plus de l’aider à se concentrer. Comme signe distinctif, il porte également un tee-shirt de la Vierge Marie sous son maillot de gardien de but.

Enfant d’une famille ouvrière de Split, Stipe ne se destinait pas particulièrement à la religion. Sa foi se limitait à l’adhésion aux cérémonies religieuses. Il s’est complètement tourné vers la croyance suite à la grave maladie contractée par son père en 2006 : une tumeur de 6 centimètres à l’avant de la tête.

« Mon père, Frane, a toujours travaillé la nuit et s’est sacrifié pour ses enfants. Il était l’incarnation d’un vrai père de famille prêt à répondre à tous mes besoins et non pas à mes volontés, comme c’est le cas aujourd’hui. Cela m’a appris la modestie et le respect de la famille. Il m’emmenait souvent en promenade et on faisait beaucoup d’activités ensemble. Il m’a aussi transmis son amour pour l’Hajduk. »

Pletikosa
Avant de renaître, Pletikosa se prenait pour Mandzukic

Pletikosa le pieux

Suite à ce coup du sort de la vie, Stipe Pletikosa a avoué avoir beaucoup pleuré et imploré Dieu de l’aider : «J’ai fait beaucoup d’erreurs et j’ai vécu pour l’âme de ce monde parce que toutes les portes du pêché ont été ouvertes avec mon métier. Cependant, derrière ces portes, on découvre un faux bonheur : la richesse, la popularité, le pouvoir. Bien que je n’ai jamais voulu faire le mal car j’avais conscience, au plus profond de moi, que Dieu était là, l’important est toujours passé au second plan. Après l’opération de mon père, j’ai commencé à réaliser quel était le véritable amour et l’espoir. »

Quel est le sens de la vie ? Comment se sentir mieux ? Qui suis-je ?

Dans sa quête, Pletikosa a été grandement aidé par sa femme Angela (tiens donc), elle aussi très pieuse : « Lorsque vous avez un conjoint qui vous comprend de cette façon, alors votre chemin vers la foi est complètement ouvert. Ce chemin n’est pas facile, mais je pense que la partie la plus douloureuse du voyage est désormais derrière moi : cette partie qui vous met aux prises avec vous-même, l’égo et la vanité.» Pour tendre vers une paix intérieure, le gardien de but a lu bon nombre d’ouvrages sur la psychologie après l’opération de son père : « Quel est le sens de la vie ? Comment se sentir mieux ? Qui suis-je ? Ce sont des questions que je me posais quotidiennement, et auxquelles je n’avais pas trouvé de réponse avant la maladie de mon père. Ma rencontre avec moi-même a débouché sur ma renaissance. »

Dans l’anonymat de Rostov, le gardien peut enfin vivre sa nouvelle vie. La lumière et la gloire ne sont pas pour lui, après tout. Une fois sa carrière de joueur terminée, Stipe Pletikosa souhaite rebondir une dernière fois en revenant à Split, dans la ville et le club de son cœur, qu’il n’a jamais cessé d’aimer. La boucle sera bouclée pour un homme intègre, fidèle et loyal.

 

Damien Goulagovitch

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